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Mes mains me sauveront la vie

J'étais femme de gendarme et j'ai vécu la guerre d'Algérie à 24 ans, j'ai suivi mon mari quand on est rentré personne nous croyait; l'Algérie c'était quelque chose...

Juillet 1955, le départ.

Mon mari vient de terminer son stage de gendarmerie, nous recevons la nouvelle. Nous partons pour l'Algérie, c'est les événements là-bas, dit-on, en d'autres termes, c'est la guerre.

Direction le port de Marseille. Nous traversons la méditerranée en bateau.

Arrivée à Oran, muté à Djebel-Amou à 500 km d'Oran,  250 km de la première ville, 60 km des portes du sud avant de rentrer dans le Sahara. Autant vous dire que pour du dépaysement, c'est du dépaysement.

Je me souviens des vendeurs de dattes qui crachent dessus pour les décoller du sac en toile de jute avant de nous les vendre...Un autre monde, d'ailleurs mal perçu par de nombreux expatriés. Les « bougnouls » qu'on les appelait, les relations étaient tendues.

Déjà nous sentions que nous allions perdre l'Algérie, c'est ainsi que l'on voyait les choses.

La brigade; le lieu de tous les souvenirs, que nous avons, mon mari et moi, mis sous silence pendant des années. Même mes enfants ne connaissent pas tout de ce que nous avons vécu là-bas.

De toute manière, on ne parlait pas de ça, il y avait comme une omerta autour de la guerre d'Algérie quand nous sommes rentrés en France.

Parce que c'était dur. Les rebelles étaient malins et omniprésents. Ils nous attaquaient régulièrement toujours à des heures différentes et visaient tout le temps le minaret de surveillance pour pouvoir entrer dans les brigades.

Les kaids nous mettaient en garde : « Attention les gars, après le couvre feu, vous pouvez tomber sur les faux gendarmes. »

Et oui, les rebelles récupéraient les uniformes pour nous tromper lorsqu'ils arrivaient à en détruire une.

Tout était bon pour nous atteindre.

Je me souviens des chiens lancés, grenadés, qui explosaient aux abords de la brigade; une horreur...

Ma fille a longtemps eu peur des chiens et se réfugiait dans les bras de son père, complètement terrorisée, dès qu'elle en voyait un.

Les kaids, c'est l'équivalent des Maires de nos communes, ils étaient les référents sur un territoire donné et étaient aussi nos interlocuteurs.

Quand on capturait des rebelles, on les mettait au gnouf, on les attachait, on les pendait nus avec une magneto dans l'eau pour leur donner des coup d'électricité. Il fallait bien les faire parler...

Vous alliez aux toilettes et vous passiez devant les prisonniers, à la cave pour le ravitaillement, pareil, dans les écuries pareil, c'était bien plus que les événements.

En effet, les choses n'étaient pas belles.

« Ils nous tirent dessus! » « couvrez les fenêtres »

« Écoute loulou », dis-je à mon mari, « tu vas m'apprendre à manier les armes, je ne vais pas rester comme ça. Si ils nous attaquent, tant pis si j'y reste, je saurai au moins me défendre. Mes mains pourront me sauver la vie, si toi, tu n'es pas là. »

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